Un bras de cadavre

Publié le par Françoise Andersen

Quand je vous avais parlé de mes efforts, qui avaient été vains, pour convaincre l'anesthésiste de me mettre la perfusion sur le bras gauche, car j'avais toujours eu des problèmes avec le droit, j'avais oublié de vous raconter ce qui m'était arrivé, il y a deux ans, lors d'une coronarographie.

 

En 2001 on s'était aperçu que j'avais une fuite aortique grade 2. En fait il est possible que je sois née avec un "souffle au coeur". C'était sûrement héréditaire, car j'avais toujours entendu dire que mon grand-père était mort d'un "éclatement de l'aorte".

 

J'ai une anecdote à ce sujet: lors d'une consultation chez le remplaçant de mon généraliste, je vois soudain sur son visage des signes d'inquiétude, alors qu'il m'auscultait le coeur. Je lui dis donc que le bruit était anormal à cause de ma fuite aortique. Je lui parle de mon grand-père pour lequel elle avait été fatale quand il avait 69 ans. Ce remplaçant paraissait de plus en plus inquiet alors pour détendre l'atmosphère j'ai fait le clown, comme j'en ai l'habitude. Je lui ai dit en souriant: "Je ne risque plus rien, car mon grand-père avait 69 ans quand c'est arrivé et j'en ai 72". Mais il n'avait apparemment pas le sens de l'humour. Il a répliqué très sérieusement: "Mais ça peut arriver aussi plus tard" !!   ;)

 

Cette fuite aortique n'a pratiquement pas évolué pendant 10 ans, mais tout d'un coup, lors d'un contrôle, ma cardiologue s'est aperçue qu'elle était passée au grade 4 et qu'il était urgent de m'opérer. Elle a tout de suite pris rendez-vous pour moi pour une coronarographie dans un hôpital de la région. Elle m'a dit que j'avais de la chance, car le médecin qui allait la pratiquer était le meilleur dans ce domaine. C'est donc confiante que je suis partie à l'hôpital un matin de décembre 2012.

 

Malheureusement les conditions atmosphériques étaient terribles ce jour-là. La neige tombait à gros flocons et il fallait passer un col. L'autoroute n'était pas encore déblayée, mais les voitures arrivaient à rouler tout doucement sur la voie de droite, car il n'y avait encore que quelques centimètres de neige. Comme la température n'était qu'aux alentours de zéro, le frottements des roues la faisait fondre. Mais la voie de gauche, qui était vide, était recouverte de neige verglacée. J'étais en VSL (Véhicule Sanitaire Léger) et l'ambulancière était une folle du volant. Elle a pesté contre tous ces idiots qui roulaient au pas. Elle a alors pris la file de gauche et les a doublés à toute vitesse. Je me suis dit que ma dernière heure était arrivée. J'ai essayé de protester en lui disant que j'aimerais arriver vivante à l'hôpital, mais cela n'a fait que la provoquer et elle a conduit de plus en plus vite. C'est un miracle s'il ne nous est rien arrivé.

Un bras de cadavre

J'avais rendez-vous pour l'examen à 13h30, mais ce n'est qu'à 18 h qu'il a eu lieu. Plein d'ambulances étaient restées bloquées le matin. Ce n'est qu'une fois les routes dégagées , l'après-midi, que les patients du matin étaient arrivés. Ils étaient donc tous passés avant moi. Ça commençait à être la panique, car le personnel aurait dû avoir fini depuis longtemps. Quand on m'a mise enfin sur la table d'examen j'ai été étonnée de voir un très jeune médecin, qui ne pouvait pas être le médecin très expérimenté que m'avait vanté la cardiologue. Il m'a dit que le docteur X était en train de faire une coronarographie dans le local d'à côté et que c'était lui qui allait commencer.

 

En fait il s'est mis à essayer de faire entrer un tuyau dans mon bras droit après m'avoir piqué plusieurs fois sans trouver la veine. Il m'a charcutée ainsi pendant ce qui m'a semblé être une éternité.

Un bras de cadavre

J'ai fini par me plaindre d'avoir mal et on m'a mis un masque avec des gaz hilarants, qui ne m'ont guère fait d'effet. Et le "boucher" continuait sa torture. Heureusement qu'à un moment une infirmière a osé lui dire: "Vous ne pensez pas qu'il vaudrait mieux attendre le docteur X ?". Il a heureusement suivi ses conseils. J'ai appris plus tard qu'il était arrivé le jour même à l'hôpital et que c'était sa première coronarographie. Un ami médecin m'a dit plus tard que ce qu'il avait fait était parfaitement illégal: le docteur X aurait dû être à ses côtés. Quand celui-ci est enfin arrivé, il s'était, il me semble, passé environ 1/4 d'heure. Il a réussi (mais non sans mal) à faire pénétrer le tuyau. Ma cardiologue m'avait dit qu'il était très gentil et allait m'expliquer tout ce qu'il faisait. Mais il me considérait apparement juste comme un tas de viande qu'on triturait et il faisait des commentaires qui me glaçaient le sang. Il devait penser qu'avec les gaz hilarants j'étais complètement dans les vapes et n'entendais rien. Il a dit au jeune médecin des trucs du genre: "T'as vu l'état de l'aorte. J'voudrais pas être à la place du chirurgien qui va l'opérer !".

 

J'ai eu un choc ensuite en voyant mon bras.

Un bras de cadavre

 

J'avais l'impression d'être entrée dans une machine à voyager dans le temps et de voir le bras de mon propre cadavre. Cette photo a été prise au bout de quelques jours quand ça allait beaucoup mieux. Mais avant de passer au vert puis au jaune, il y avait eu un joli camaïeu de violacé. Je vous assure que c'était bien pire juste après l'intervention. Mais j'avais si mal que je n'ai pas pensé à faire des photos.

 

Mais j'avais eu ma petite vengance, à la fin de la coronarographie, quand une infirmière avait essayé, en sa présence, de prendre la défense du jeune médecin en disant: "Le docteur  est nouveau chez nous. Il sera peut-être un jour un grand chirurgien cardiaque" . Alors malgré la demi-heure de torture et de gaz hilarants, je n'ai pas pu m'empêcher de lancer, alors que des brancardiers me sortaient du local: "EH BEN, Y A DU BOULOT !!".

 

J'ai dû traumatiser le pauvre type et je suppose que depuis il a changé de métier. Boucher, peut-être ?

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T
Eh bien, il ne t'a pas loupée, il y en a qui sont obstiné et croient pouvoir être plus fort que les autres. Tu as dû déguster ! Je ne comprends pas cet acharnement alors que tu lui as dit et qu'il avait quand même ton dossier. Et je ne comprends même pas pourquoi c'est lui qui est intervenu alors que c'était son premier jour et que le médecin n'était pas là. Je sais bien qu'il faut qu'ils apprennent mais pas sur des cas difficiles et sans surveillance, quand ils débutent...Etait-ce à A....y ?
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F
et bien tu as dû souffrir le martyr
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V
Hiiii, c'est pas très joli tout ça !
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F
Je rassure ceux et celles qui auront à subir une coronarographie: c'est exceptionnel. Normalement ça se passe sans problème.
K
Effectivement il ne t'a pas loupé. C'est dingue les gens qui s'acharnent comme cela.
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F
Il n'en avait pas le droit. Il a cru pouvoir montrer au patron qu'il pouvait se débrouiller tout seul. Je dois dire à sa décharge, comme Chevalier et Laspalès : "Y en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes". C'est pratiquement impossible d'intervenir sur les veines de mon bras droit.