Le coeur dans les nuages - première partie

Publié le par Françoise Andersen

J'étais confortablement installée dans un DC 9 de la Swissair. Le pilote nous avait annoncé que nous allions bientôt atterrir à Genève et les hôtesses avaient regagné leur siège. J'étais côté couloir et ne pouvais donc rien voir, mais je m'attendais à bientôt ressentir le petit choc de l'atterrissage.

Le coeur dans les nuages - première partie

Tout à coup l'avion s'est mis à remonter. J'ai d'abord cru que c'était normal. Il arrive que la descente se fasse par à coups et qu'on ait même la sensation de remonter. Mais effectivement on remontait et même si vite que ç'en était désagréable. Tous les passagers s'étaient tus brusquement et échangeaient des regards anxieux. J'attendais impatiemment que le pilote nous explique ce qui se passait: avait-il raté son atterrissage, allait-il recommencer ?

Après une éternité (je ne saurais dire s'il s'agissait de quelques secondes ou de quelques minutes, car j'avais complètement perdu la notion du temps) j'ai enfin entendu la voix du pilote qui nous annonçait que nous étions "déroutés vers Zurich".

Le coeur dans les nuages - première partie

Il n'y avait pas que l'avion qui était dérouté: moi aussi j’étais déroutée. J'avais en effet compris qu'il s'agissait d'un DÉTOURNEMENT d'avion. Mon imagination s'était alors mise en branle: le pilote essayait de garder son calme pour ne pas que nous paniquions, mais il avait sûrement, sur sa tempe, le canon du revolver d'un pirate de l'air. Je croyais même savoir qui c'était: un passager qui était monté en classe affaires. Je l'avais repéré avant d'embarquer, car il n'arrêtait pas de regarder sa montre et il triturait nerveusement son attaché-case. C'était un "individu de type méditerranéen" comme disent les policiers, qui excellent dans la litote.

J'ai vite abandonné ce scénario catastrophe, car le pilote nous expliquait que nous n'avions pas pu atterrir à Genève "pour des raisons techniques." D'abord soulagée de voir que nous n'étions pas pris en otages, j'ai recommencé à m'inquiéter: en effet en y réfléchissant bien, si nous avions des problèmes techniques, je ne voyais pas du tout ce que ça allait changer d'aller atterrir ailleurs ! Réflexion faite, j'aurais peut-être quand même préféré le détournement d'avion. En général la majorité des otages s'en sortent. Il n'en est pas de même des passagers d'un avion qui explose en vol.

Mon voisin qui s'était assoupi après le repas venait de se réveiller en entendant la voix du pilote. C'était un homme d'affaires norvégien, un grand gaillard d'une quarantaine d'années qui passait une grande partie de sa vie en avion. Il s'appelait Reinar (prononcer "raillenar") et m'avait tutoyée d'emblée à la scandinave, avant de s'endormir.

Nous avions bien bavardé et sympathisé, comme c'est souvent le cas lors de ces brèves rencontres aériennes en dehors de l'espace et du temps. J'étais heureuse qu'il soit éveillé. Je me sentais maintenant un peu moins seule face à mon angoisse.

Comme il avait l'air ahuri de quelqu'un qui se demande: "Où suis-je, où vais-je...", je lui ai fait un bref résumé de la situation, en ne lui cachant pas que la situation me semblait inquiétante. C'est alors que le pilote nous a annoncé que nous allions traverser une zone de turbulence et nous a ordonné d'attacher nos ceintures. En effet nous avons été aspirés par un trou d'air impressionnant, comme si le "problème technique" n'était pas suffisant.... Le premier trou d'air a été suivi d'un autre et là, ayant vraiment l'impression d'être en chute libre, j'ai commencé à paniquer sérieusement.

Le coeur dans les nuages - première partie

Mon voisin s'en est aperçu. Il m'a assuré que ce n'était rien du tout: il avait connu de bien pires turbulences et ça ne durait en général pas très longtemps.

Quant au "problème technique" mentionné par le pilote, il devait se trouver à l'aéroport de Genève et non pas dans notre avion. Voyant que, malgré ses paroles rassurantes, j'avais l'air d'avoir de plus en plus peur, il m'a pris la main. Son regard doux et protecteur m'a enveloppée. Il m'a communiqué son calme, et l'angoisse a laissé place à un certain bien-être...pour ne pas dire un bien être certain. A 40 ans, épouse vertueuse et mère irréprochable, allais-je tomber amoureuse d'un inconnu à 9.000 m d'altitude ?

A suivre....

 

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