La féministe célèbre et la fausse bonne soeur (8 mars 1980)

Publié le par Françoise Andersen

La féministe que j'ai eu le plaisir de rencontrer lors de la deuxième Conférence sur les droits des femmes, qui s'est tenue à Copenhague le 8 mars 1980, est Gisèle Halimi. Vous vous demandez sûrement qui était la fausse bonne soeur. J'ai honte de l'avouer, mais il s'agit de moi. Je vous raconte comment ça s'est passé.

 

A l'occasion de cette conférence, l'Ambassade de France avait organisé un cocktail auquel j'avais été conviée. J'y ai rencontré, entre autres, une religieuse française qui participait à la conférence, car elle défendait la cause des femmes, en tant que rédactrice d'une publication catholique, Nous avons sympathisé et comme elle séjournait dans un hôtel qui se trouvait sur mon chemin, je lui ai proposé de la raccompagner en voiture, ce qu'elle a accepté avec plaisir. Avant de descendre de la voiture, soeur Françoise (drôle de coîncidence) m'a dit: "Je dois rentrer en France deux jours avant la fin de la Conférence. Je pense que cela vous intéresserait d'y assister, alors je vous laisse mon bagde qui vous permettra d'entrer à ma place.<<

 

Le lendemain matin on m'a laissée entrer sans problème, étant donné que "Soeur Françoise" était sur la liste des participants. J'avais le coeur qui battait un peu, car c'était la première (et dernière fois) que je me faisais passer pour quelqu'un d'autre. Une fois à l'intérieur, je m'étais crue sauvée. J'ai trouvé "ma" place dans un groupe francophone composé de féministes pour la plupart écrivain(e)s ou journalistes. J'étais la seule Française du groupe, ce qui fait que Gisèle Halimi s'est assise à côté de moi. Elle a eu plus tard la gentillesse de m'offrir un exemplaire  de son livre "La Cause des Femmes". Cela m'a permis d'apprendre un mot que je ne connaissais pas. Elle avait en effet écrit dans la dédicace: "En toute sororité".

Dans l'article de Wikipedia on peut, entre autres, lire ceci :

 

>>Son enfance dans une famille traditionaliste sera l'origine de son combat dans la lutte féministe. En effet, dès son plus jeune âge, elle remet en cause ses obligations de fille au sein de sa famille. C'est pourquoi, à l'âge de 13 ans, elle entame une grève de la faim afin de ne plus avoir à faire le lit de son frère. Au bout de trois jours, ses parents cèdent et elle écrira dans son journal intime de l'époque : « aujourd'hui j'ai gagné mon premier petit bout de liberté » <<

 

J'ai dévoilé à Gisèle Halimi qui j'étais en réalité et jusque-là mon usurpation d'identité ne m'a pas posé de problème. Mais pendant une pause, je me suis aperçue qu'un prêtre français, qui avait fixé "mon" badge, se dirigeait vers moi. J'ai pris immédiatement la fuite. Heureusement les gens discutaient par groupes et étaient serrés les uns à côté des autres, ce qui m'a permis de disparaître rapidement à ses yeux. Mais le lendemain ce petit jeu du chat et de la souris a repris. Dès que je l'apercevais, je m'éclipsais, avant que son regard ne tombe sur moi. J'étais terrorisée à l'idée qu'il découvre la supercherie. J'aurais dû tout simplement lui dire la vérité, d'autant plus que j'avais pratiquement la bénédiction de l'Église, puisque c'était l'idée de la religieuse. Mais je crois qu'en fait ce qui m'ennuyait tant c'était de la "mouiller", alors qu'elle avait seulement voulu me faire plaisir.

 

Mes scrupules montrent à quel point, en quelques années, je suis devenue danoise et hyper disciplinée. A mon arrivée au Danemark, habituée à l'indiscipline des piétons parisiens, je m'étonnais de voir des Danois attendre que le feu passe au vert dans des rues absolument désertes. J'ai même vu un jour un chien, tout seul, s'asseoir sur le troittoir, fixer le feu rouge et ne traverser que lorsqu'il était passé au vert. Je vous assure, c'est véridique. Cette observation scrupuleuse de toutes les règles par les Danois m'amusait beaucoup. Mais 20 ans plus tard, le seul fait qu'un badge ne soit pas à mon nom m'avait mise dans un état de stress absolument ridicule.  Aujourd'hui je me dis que j'ai vraiment été ridicule de me comporter comme une criminelle en cavale avec un policier à ses trousses.

Le thème du nouveau "Casse-tête" de Sherry étant "Une femme pas ordinaire", cet article sera ma contribution, car Gisèle Halimi est une femme d'exception.

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M
la rencontre et d'autres rencontres dont ce prêtre !!<br /> il a du se demander pourquoi tu le fuyais ...
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M
bah oui puisque tu avais l'accord de la soeur et il te suffisait juste de le dire à ceux qui t'aurait parlé, ils auraient compris et au besoin tu aurais pu leur dire de demander à la soeur qui t'a donné cette possibilité là de confirmer !<br /> c'est un peu dommage que tu te sois gachée la rencontre ....
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C
Bonsoir pas évident de se faire passer pour quelqu'un d'autre, je comprend ton stresse je l'aurais été aussi, je suis stressée pour moins que ça, bonne soirée
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@
Bonsoir françoise,<br /> Je pense que moi au contraire, j'aurais laissé le prêtre venir à moi, intrigué qu'il était peut-être, je lui aurais expliqué le pourquoi de ma présence. Peut-être n'en aurait il pas pris ombrage, bien au contraire. tu ne sauras jamais je crois.<br /> @nnie
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F
Oui c'est dommage car il avait l'air sympathique. J'en ai encore des remords aujourd'hui d'avoir fui ce pauvre homme.
M
Trop drôle ton histoire mais je crois que j'aurais fait de même, j'apprécie beaucoup cette femme, l'auteur et la militante! <br /> Bonne fête, c'est le jour! <br /> gros bisous de Mireille du Sablon
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F
Merci Mireille. J'oublie toujours que le 9 mars c'est la sainte Françoise !