Souvenirs de mes 16 ans - (5:5) FIN

Publié le par Françoise Andersen

Avec un petit pincement au coeur, j'ai regardé le petit tailleur écossais disparaître au coin de la rue en se dandinant. J'ai connu ensuite pendant plusieurs heures les affres de l'inquiétude que j'allais connaître plus tard en tant que mère. Tous les scénarios me sont passés par la tête (j'ai toujours eu trop d'imagination).

1. Elle allait rater son train pour rentrer, et sa mère allait s'apercevoir qu'on lui avait menti.

En fait ce n'était pas tellement dramatique, alors je suis vite passée à autre chose.

2. Je me souvenais que ma mère disait souvent à propos d'un viol : "Elle l'avait bien cherché". C'est ce qu'on dirait si ce monsieur "abusait d'elle". Je l'imaginais l'entraînant dans un bar, la faisant boire. Ensuite il l'emmenait dans sa garçonnière et la violait sauvagement. Non, j'enlevais aussitôt le "sauvagement" et même le viol, car je me disais que ce ne serait pas trop difficile de la convaincre. Mais n'empêche que j'avais bien peur que ce rendez-vous ne se termine au lit ! Dans quelques semaines elle s'apercevrait qu'elle attendait un enfant. Le suborneur refuserait bien entendu d'endosser la paternité. Elle serait "fille-mère", sa mère folle de désespoir se suiciderait peut-être... et tout cela à cause de moi. Jusqu'ici j'avais toujours été celle qui était la plus raisonnable (bien qu'ayant un an de moins qu'elle) mais cette fois-ci mon goût pour l'écriture l'avait jetée dans la gueule du grand méchant loup.

J'en étais là de mes réflexions quand j'ai entendu sonner à la porte. C'était elle, toute guillerette et avec plus d'une heure d'avance. Toutes mes craintes se sont évanouies et, comme Bécaud, je me suis dépêchée de lui demander. "Alors, raconte, comment ça s'est passé...etc.". Elle ne l'avait pas vu tout de suite et c'est lui qui s'était approché d'elle le premier (grâce, je pense, aux généreuses effluves de "Quelques fleurs" d'Houbigan). Il lui avait acheté une grosse glace. Il lui avait parlé de son travail à la télé, de sa petite fille de 3 ans (dont nous ignorions l'existence) mais pas de sa femme (nous l'avons donc imaginé divorcé ou veuf. (Cela ne nous est pas venu à l'idée qu'étant marié il puisse faire la sortie des lycées...). En fait au bout d'une demi-heure environ, il l'avait quittée prétextant un rendez-vous rue Cognac-Jay. Elle semblait un peu déçue et m'a avoué qu'il lui avait dit l'air rêveur: "C'est drôle, je ne vous imaginais pas du tout comme ça ! ".

Alors je me suis dit que c'était en fait peut-être moi qu'il attendait... Je me suis dit aussi qu'il ne suffisait pas d'avoir un joli minois. Du coup quand je me suis ensuite regardée dans la glace, et je me suis trouvée moins moche :))

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