Souvenir de mes 16 ans - troisième partie (3:5)

Publié le par Françoise Andersen

Quand le père de mon amie est entré dans la pièce et qu'il a vu nos yeux briller d'émotion, il a dû se dire que nous avions vraiment la vocation des sciences et que finalement il pouvait espérer qu'on allait toutes les deux choisir la filière scientifique et non pas philo, comme il l'avait craint un moment.

Nous avions donc fait un grand pas en avant. Le contact, bien que virtuel, était établi. Alors nous avons joué le grand jeu et proposé un rendez-vous. Sans nous faire trop d'illusions, je l'avoue... A notre grande surprise, nous avons reçu, par retour du courrier, notre première lettre. Je revois encore la petite écriture aux jambages élégants et ces mots: "J'aimerais voir quelle curieuse petite bonne femme vous êtes" et puis la date et le lieu de rendez-vous (le jardin du Luxembourg à Paris) .

Je crois que nous en avons dansé de joie. Mais très vite, nous nous sommes trouvées devant un cruel dilemme. Il n'y avait pas UNE petite bonne femme, mais DEUX !! En fait la jeune fille à qui il donnait rendez-vous n'était ni tout à fait moi, ni tout à fait mon amie, mais les deux à la fois. Nous ne pouvions tout de même pas avouer la supercherie et aller toutes deux au rendez-vous ... Mais si mon amie avait posé la question de savoir laquelle de nous deux irait au rendez-vous, c’était en fait purement pour la forme. Nous connaissions déjà toutes les deux la réponse. Cétait bien sûr la plus jolie des deux qui devait y aller.

Ah que n’aurais-je donné pour être aussi jolie qu’elle. Elle avait la peau très claire, des yeux bleus de saphir, des cheveux fins aussi blonds que ceux du Petit Prince, un sourire enjôleur de fausse ingénue et un corps fluet qui donnait une impression de fragilité. Et puis elle était déjà très coquette pour son âge et se maquillait en cachette de sa mère. Moi jétais une adolescente robuste et rondelette sans aucun charme et binoclarde de surcroît. Pendant toute mon adolescence j’ai souffert en me comparant à cette amie et à ma jeune soeur. J’entends encore les dames qui disaient de ma soeur: "Comme elle est jolie". Et puis elles se tournaient vers moi, gênées, en disant à ma mère "Votre aînée est très grande pour son âge. Et puis il paraît qu'elle réussit bien à l’école !". Ah comme j’aurais échangé une dizaine de centimètres contre un visage moins ingrat ! D’ailleurs mon obsession était de "rester vieille fille". Je m’étais peu à peu faite à l’idée quaucun homme ne voudrait jamais de moi, quand ma grand-mère m’a dit un jour: "Toute marmite a son couvercle". Elle aurait mieux fait de me dire que je n'étais pas si moche que je le croyais. Elle aurait pu me parler de beauté intérieure, etc. Mais non, jai vécu toute mon adolescence dans l’ombre de la beauté de mon amie et de ma petite soeur.

Bref il a été décidé que cétait mon amie qui se rendrait au rendez-vous. Il s’agissait maintenant de bien le préparer. Pas question de décevoir notre idole !

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Je crois qu'à l'adolescence on se croit toutes moches, j'étais comme toi, sauf que j'étais maigre, mais tout aussi binoclarde, à l'époque je m'étais renseignée en Russie car je savais que les russes opéraient de la myopie (c'était en 1961) ......et je me suis faite opérée en 2010, 40 ans de grosses lunettes, lourdes et encombrantes, avec tous les inconvénients.<br /> Bon je te dis à demain pour la suite de vos aventures<br /> Gros bisous
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